Petite histoire de la peinture et de la sculpture occidentales

La Grotte de Lascaux

En 1940, la découverte de la grotte de Lascaux provoqua un choc considérable dans le monde scientifique et artistique. L’homo sapiens cro-magnon, du nom du site en Dordogne où on a retrouvé ses restes fossiles, avait inventé l’art, par ses 1963 peintures et gravures. Picasso en fut bouleversé ; il dut reconnaître humblement qu’il avait trouvé son maître. L’abbé Henri Breuil, surnommé le pape de la préhistoire, compara Lascaux à la chapelle Sixtine. La représentation figurative des animaux, il y a quelque 20’000 ans, fut unanimement considérée comme la naissance de l’art en Europe occidentale, en l’occurrence, l’art pariétal ou rupestre.

La Grotte de Chauvet

En 1994, trois spéléologues, Eliette Brunel, Christian Hillaire et Jean-Marie Chauvet découvrent une grotte dans le Vallon-Pont-d’Arc en Ardèche. 425 peintures et gravures d’animaux s’offrent à leur vue, dans un état de conservation extraordinaire. Ils ont tous été peints avec les moyens du bord, de la poudre d’ocre rouge et de charbon, fusain ou sanguine, dirait-on aujourd’hui. Le site n’a pas révélé la présence de sculptures, qui, a cette époque, avaient la forme de statuettes en os, en ivoire de mammouth ou en bois de renne, toutes gravées au silex. Sans marteau et burin il est très difficile de tailler dans un bloc de pierre. A la stupéfaction générale, la datation au carbone 14 démontra que le bestiaire de la grotte Chauvet avait été réalisé il y a 36’000 ans, soit le plus ancien témoignage de l’art pariétal occidental. En ce temps-là cohabitaient l’homme de Néandertal et Cro-magnon. Depuis qu’on a découvert sur une roche en forme de stalactite, deux jambes, un triangle pubien et une vulve, tracés au fusain de charbon de bois, nombreux sont les préhistoriens à penser que l’artiste paléolithique était une femme… A deux kilomètres de la cavité originale, sur les hauteurs du Vallon-Pont-D’Arc, fut inaugurée en avril 2015, une réplique remarquable de la grotte Chauvet. Chaque jour, des centaines de visiteurs s’y pressent et restent bouche bée devant tant de virtuosité et de beauté.

Académie des Beaux-Arts

En 1795, on fonda l’Académie des Beaux-Arts, des arts qui ont pour objet la représentation du Beau. On en dénombra six : la peinture, la gravure, la sculpture, l’architecture, la chorégraphie et la musique. Le 20ème siècle consacrera le cinéma comme étant le septième art, la télévision, le huitième et la bande dessinée, le neuvième. Un artiste peintre, par exemple, n’aura droit à ce titre qu’après avoir suivi un apprentissage et obtenu un certificat ou un diplôme d’aptitude professionnelle, délivré par cette école.

Le prix de ses tableaux ou de ses travaux sera fixé en fonction de leur qualité technique et esthétique, ainsi que pour leur originalité créatrice. L’artiste doit pouvoir vivre décemment de son art, à l’instar des autres professions libérales. Parfois, après sa mort, le marché de l’art s’empare de ses tableaux à des fins spéculatives. Les sommes astronomiques atteintes aux ventes aux enchères n’ont alors plus aucune relation avec la valeur réelle des œuvres. Emotion et spéculation ne feront jamais bon ménage !

Picasso – Les Demoiselles d’Avignon

En 1907, Picasso peint une toile monumentale (244X234 cm) intitulée Les Demoiselles d’Avignon, représentant cinq prostituées nues, de la rue d’Avignon à Barcelone. Le 20ème siècle sera le plus sanglant de l’Histoire, avec deux guerres mondiales, de multiples conflits régionaux et d’abominables génocides. Cette violence touchera également l’Art, qui sera victime d’une fureur iconoclaste sans précédent. Ce tableau de Picasso marque le déclenchement des hostilités, en s’en prenant, avec une sauvage agressivité, à la conception classique de la Beauté. Picasso va mettre en pièces, à coups de hache, les visages et les corps des cinq figures féminines. On peut voir dans ce tableau les prémices du cubisme.

Kandinsky – Esquisse I pour composition VII

En 1913, Vassily Kandinsky peint un tableau non figuratif, « Esquisse I pour composition VII ». Désormais, abstraction et figuration occuperont le champ artistique, en plus ou moins bonne harmonie. Il faut souligner que l’abstraction poussée à l’extrême, aboutira à l’éclosion de myriades de monochromes, dont le plus célèbre est le « Carré noir sur fond blanc », (1915) de Kazimir Malevitch. Ce carré noir signifie la destruction de l’Ancien Monde, à l’image de l’anéantissement de l’homme par la Grande Guerre. Piero Manzoni (décédé en 1989) imagine l’achromie, la peinture sans couleur. En réalité , le premier monochrome doit être attribué au célèbre humoriste Alphonse Allais, qui, en 1884, expose une toile entièrement rouge, ayant pour titre « Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la Mer Rouge ».

Marcel Duchamp – Fontaine (L’Urinoir)

En 1914, Marcel Duchamp (c’est lui qui dessinera des moustaches à la Joconde), s’empara d’un urinoir, le retourna et l’intitula « Fontaine ». Ce geste met fin à des siècles de sculpture et donne naissance à l’Art contemporain. Dorénavant, point n’est besoin de « remettre son ouvrage sur le métier », ni de s’embarrasser de considérations esthétiques. Il suffit d’installer ou d’amonceler des objets tout faits (ready made), sans aucune explication ; chaque regardeur étant libre de  conceptualiser l’œuvre, de se faire sa propre conception. Même si l’installation sera choquante, provocante ou inesthétique, son concepteur-projeteur n’aura guère de difficultés à convaincre l’Etat, certaines banques ou des mécènes, de soutenir financièrement son projet. En juin 2016, à Zürich, la Manifesta, une importante et réputée biennale d’art contemporain, exposa une installation de Mike Bouchet, un artiste conceptuel californien. Son œuvre, longue de 25 mètres, était composée de 80 tonnes d’excréments humains répartis dans 300 caisses de bois. L’odeur était indispensable pour donner plus de force au concept. La ville de Zürich octroya une subvention de 2 millions de francs…

Au vu de ce qui précède, on pourrait penser que l’homme moderne aura été le fossoyeur des Beaux-Arts. Pourtant, Mona Lisa, malgré ses quelques cinq cents ans, continue de séduire le grand public ; elle semble même sourire de nos excentricités. Le XVIIème siècle de Vermeer nous émeut encore par la grâce de ses personnages féminins, tandis que Rembrandt reste toujours le plus prodigieux est célèbre des graveurs. Du haut de ses vingt-deux siècles été de ses quatre mètres, la Victoire de Samothrace, demeure la vedette du Louvre. Les cathédrales gothiques voient défiler chaque jour des dizaines de visiteurs, bouche béante d’admiration. Les tutus blancs des danseuses-cygnes, sautillantes et virevoltantes, continuent d’enchanter les balletomanes. Malgré une offre musicale pléthorique, Mozart n’a toujours pas été détrôné dans le coeur des mélomanes…

Dans les décennies à venir, il n’est pas impossible que Cro-Magnon ramène notre monde à la raison, sifflant la fin de la récréation.

Pierra-André Devayes, décembre 2016