Le Babouin
La littérature et la peinture ont une ressemblance frappante. Un grand écrivain et un artiste peintre auront à cœur d’atteindre la même perfection esthétique. L’un s’échinera à faire de belles phrases avec des mots souvent récalcitrants, l’autre s’évertuera à chercher la teinte désirée avec quelques couleurs brutes. Enfin, il s’agira d’attribuer au sujet à traiter, sa juste tonalité. On n’utilise pas les mêmes vocables pour décrire une scène d’amour passionnée et la mélancolie d’un jour de pluie.
Juxtaposons le « lézard vert » et le « Babouin » : le talent de l’artiste nous apparaîtra évident. Cette maternité sauvage ne peut s’accommoder d’une richesse chromatique. Janine adoucit sa palette pour ne pas égarer notre attention. Du gris et du brun, et surtout ce bleu céleste qui confère un caractère divin à cette scène de tendresse. Le format quadrangulaire contraint notre regard à fixer principalement le primate, qui porte toute la charge affective du tableau.
Certains initiés expliqueront aisément les moyens techniques utilisés par un artiste pour susciter une émotion. C’est toutefois le propre des chefs d’œuvre de toucher le cœur des profanes ; la sensibilité ne s’acquiert pas à l’université. Flaubert fut le premier étonné que Madame Bovary fasse pleurer dans les chaumières, alors qu’il ne s’était préoccupé que d’esthétique.
Extraits tirés du livre de Pierre-André Devayes – 2010